Alain Macaire
Catalogue de la Galerie Courtieux, Suresnes, 1992
{... La tâche première d'une oeuvre est d'abord de tracer et d'affirmer
son plan dans le cours historique de la peinture, d'y discerner son
mythe dans le temps présent, et d'en confronter les sens en regard des
principes de la modernité.
Ce préalable, qui est tout autant gouverné par la mégalomanie -
salutaire - que l'intelligence et l'intuition, suppose que l'artiste ait
su, intellectuellement et sensiblement, se faire une conscience aiguë du
tableau et des moments singuliers de son histoire jusqu'à elle...}
Christine Buci-Gluksmann
Catalogue de la Galerie Debras-Bical, Bruxelles,1995
{... « La grille figée empêche la figuration bien que celle-ci puisse
être perceptible pour quiconque cherche à la déceler». C'est en ces
termes que Gerhard Richter énonce le paradoxe de la grille dans l'art
contemporain et son ambivalence par rapport à la «figuration». Aussi, à
la différence de la grille moderniste qui affirmait l'autonomie de l'art
et mettait en place chez Mondrian ou Agnès Martin une structure d'ordre,
emblème et mythe du pictural, ici la grille n'existe qu'à effacer «la
figuration» pour mieux la faire réapparaître.
Indifférente à l'opposition historique entre l'abstrait et le figuratif,
elle obéirait à une toute autre logique et mettrait en oeuvre de
nouvelles procédures: figer, empêcher, révéler. Elle serait comme
l'interface miroirique du monde où l'ordre et l'aléatoire
s'inscriraient...}
Jacques Py
Catalogue de la Galerie l’Agart, Amilly, 2002
{... Une fenêtre ou une porte ouverte? En fait les deux, car en bas de
la toile un trait en biais esquisse un seuil. Henri Matisse,
Porte-fenêtre à Collioure, 1914. Dans cet encadrement qui nous fait
supposer un espace, le peintre refuse de voir et de nommer; était-ce
donc la guerre qui avait obscurci le ciel ou bien une simple nuit
d'encre? Volontairement occultée par un recouvrement radical de pigments
noirs, cette porte-fenêtre ouvre sur les obscures coulisses d'un paysage
oblitéré. L'oeuvre porte le deuil opaque de la clarté du jour et de la
représentation. Le peintre a rompu ici avec sa soumission au visible,
afin que sa peinture puisse n'être que ce visible même.
Irrémédiablement, elle s'en suffira...}
Michelle Debat
Catalogue du Musée d’Art et d’Histoire d’Auxerre, 2004
{... Car la couleur est aussi cet instant de « médiation » entre le noir
et le blanc, cette capacité qu'a la lumière de s'obscurcir jusqu'au
noir, ce moment où l'éphémère apparaît comme essentiel. Question de
tempérament dira Goethe à propos de la couleur, question de hiérarchie
reconnaissait déjà saint Augustin lorsqu'il voyait dans l'ombre, la «
reine des couleurs », question de filiation nous dit aujourd'hui Anne
Tastemain dans ces pavements en diptyques où la rythmique noire et
blanche « transpire » de couleurs...}
Jacques Py
Anne Tastemain, édition La maison d’à côté, 2014
{... Dissociation, expansion, césure, imbrication, le format a-t-il été
sectionné ou bien multiplié, est-il divisé ou assemblé? À travers la
répétition et la juxtaposition de châssis identiques, on retrouve la
grille, liminaire dans le parcours d'Anne Tastemain. L'équité des
présences colorées est nécessaire à la cohésion de l'ensemble, elles
sont contenues dans le même projet. Singularité d'un égalitarisme engagé
dans l'excès initial des différences que l'artiste recherche et rabroue
par la suite...}
Louis Ucciani
Catalogue du Château de Ratilly, 2017
{…Tout se passe comme si la quête du philosophe voyait soudain dans les élaborations du
peintre la matérialité de ce que l’âpre conceptualité tente d’élaborer. Serions-nous dans une
peinture philosophique? Certes non en ce que la peinture se meut, comme le montre Deleuze,
dans le percept alors que la philosophie ne se confronte qu’au concept. Il n’empêche que le
réel que dessine le philosophe peut trouver en la peinture la visibilité de ce qu’il entrevoit…}
Clotilde Escalle
Revue Tageblatt du 21 Août 2017
{… Cette déclinaison de la peinture par pans qui dilatent l’espace et le temps, travaille le
regard dans une intimité du souffle et du détail. L’œil accroche la moindre bribe de narration,
c’est un éclat, l’écorchure d’un récit occulté. Et ce détail, cette écorchure – une coulure, un
tressage subtil qui livrerait quelques uns de ses fils – redonnent récit à leur façon, un récit
d’avant les mots, une perception à l’infini.…}
Jacques Py
Orangerie des musées de Sens, 2017
{… la question du ressassement s'infiltre insidieusement dans le propos, pour évoquer cette
manière qu'a le peintre de revenir sans cesse sur ses toiles. Une sorte d'insatisfaction qui ne
trouve sa fin qu'après parfois des mois de recouvrements des surfaces, de changements de
tonalités, de réajustements des peintures entre-elles. Cette litanie d'avancées au statut
précaire est mise en doute à chaque confrontation avec l'oeuvre dont la finalité demeure la
recherche de ce point d'orgue qui libèrera l'artiste de ce face-à- face qui capte sa concentration
et son énergie…}
Bernard Collet
Galerie l’H du Siège, Valenciennes, 2018
{...Toiles et dessins ensemble, dans les salles d’exposition ou dans les pièces de
l’atelier, pour que soit perçu le dialogue entre les supports, presque musical. Celui
d’un même travail. Entre les dessins sur papier d’apparence si fragile - un courant
d’air en fait voler les feuilles basses - et les grandes toiles monochromes se créent
des respirations, un chant, une absolue complémentarité, celle que l’on attend pas,
un jeu que l’on se surprend à voir interférer avec le paysage extérieur au travers des
baies, le jardin silencieux, les végétations devenues un peu envahissantes ou
l’horizon d’un mur...}